Résumé :
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Dar es Salaam : " le Port de la Paix " ou " la Porte du Salut ". Dénommée ainsi en 1867 par le Sultan de Zanzibar, la ville a longtemps bénéficié d'une réputation de calme. L'assoupissement tropical confortait la pénurie et le sous-équipement socialistes pour y faire régner un ennui sans heurt. Or, aujourd'hui, pour les Tanzaniens, elle est devenue Bongoland, c'est-à-dire un lieu où la survie est affaire de ruse, d'intelligence (bongo : cerveau en kiswahili). Loin d'être anecdotique, ce glissement toponymique enregistre les mutations qui affectent les liens que les Tanzaniens entretiennent avec la première ville du pays et la façon dont ils se la représentent. Cet ouvrage rend compte de ces mutations en partant de l'hypothèse qu'elles relèvent de processus de territorialisation. Quels sont les processus - envisagés comme pratiques d'investissement spatial - qui, en produisant de l'exclusivité, du bornage et de l'exclusion, fragmentent l'espace urbain et son tissu social ? Les pratiques et les discours des urbains construisent-ils des espaces limités, appropriés, identifiés et gérés par des communautés, c'est-à-dire des territoires ? Dar es Salaam, souvent décrite comme une ville diversifiée, relativement homogène et intégratrice, n'est-elle pas plutôt fragmentée ? Comme la territorialisation ne peut advenir qu'au travers de fréquentation, de gestion et d'investissements localisés, c'est donc à partir de certains lieux - le logement et le quartier d'abord, l'école, la station de dala-dala, la borne fontaine ou les quais du port ensuite - que la ville a été observée. Cela a amené à aborder la question du sens géographique des politiques urbaines menées depuis la colonisation allemande jusqu'à aujourd'hui. Dans le même temps, l'analyse de ces équipements permet d'évaluer le rôle de la crise urbaine et des réponses, qui lui sont apportées. In fine, l'ambition de cette approche est de mesurer l'impact de la singularité du lieu - liée d'une part à son insertion sur la longue durée dans la civilisation swahili, d'autre part à sa colonisation par l'Allemagne et, enfin, à la singularité de la trajectoire post-coloniale, marquée par l'alternance de l'Ujaama et des Plans d'ajustement structurels appliqués depuis 1987 - sur les mutations en cours. Comment cette culture politique singulière, articulant temps long et temps court, participe-t-elle à l'émergence de la ville d'aujourd'hui ?
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