Résumé :
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L'Éthiopie en littérature doit-elle fatalement rimer avec aventure ? Impossible d'échapper aux clichés, à l'affabulation.Le voyage sera violent ou ne sera pas. Rimbaud l'avait prédit : " Je reviendrai avec des membres de fer, la peau sombre, l'?il furieux ". Après lui, Henry de Monfreid vient encore forcer le trait et brouiller les pistes quand l'aventure individuelle se dévoie dans la collaboration fasciste. Comment lire alors un voyageur du XVIIIe siècle ? Comment comprendre James Bruce, venu en Éthiopie sans but mercantile, ni projet de conquête ? D'abord en se replaçant dans une époque où les niveaux de vie (non les modes de vie) ne diffèrent guère.On meurt autant de la variole à Londres qu'à Gondar. L'Éthiopie est en guerre à une époque où on se bat partout, et d'abord en Europe. Bruce est un gentilhomme. Il est naturellement au service du Prince, qu'il soit anglais ou éthiopien. L'homme n'est pas sans préjugés ni sans reproche. Il confond la source du Nil Bleu et celle du Nil, mais il est sans théorie préconçue. Il sera l'observateur incomparable du plus vieux royaume chrétien d'Afrique.De retour à Londres, on le traite de menteur. Est-il seulement allé en Éthiopie ? C'est alors qu'il entreprend de raconter son voyage. Pas à pas, page après page, il refait son périple, donnant les dates, les lieux, les noms. Ce récit, que Bruce dicte en arpentant son bureau, récit oral, ardent, exclusif, se fait aussi rêverie. L'aventure physique s'abolit dans des moments de pure élégie. Il y a du Promeneur solitaire chez ce sceptique, tour à tour chroniqueur, naturaliste, médecin.Tant pis pour ceux qui attendaient la vision hallucinée d'une saison en enfer ! Bruce nous rend l'Éthiopie intelligible, sensible, vivante. Contemporaine.
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