Résumé :
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Depuis les années soixante-dix, marquées par l'éblouissement produit par Le Regard du sourd de Robert Wilson, venu des USA, et par les recherches moins médiatisées des avant-gardes italiennes, on parle de " théâtre-image " ou de " théâtre d'images ".Mais dès le début du XXe siècle, l'image est envisagée comme une des composantes de la mise en scène, art nouveau et problématique dès son émergence. Le metteur en scène, " l'artiste du théâtre ", est défini par les grands réformateurs tels Edward Gordon Craig, Vsevolod Meyerhold ou Antonin Artaud comme un créateur d'images, fonction qu'ils différencient et de l'illustrateur et du peintre-décorateur.A partir d'un corpus de spectacles relatifs au dernier tiers du XXe siècle où le(s) théâtre(s) semble (nt) répondre aux interrogations et aux désirs des grands visionnaires des toutes premières décennies, cet ouvrage collectif analyse ce qu'on peut entendre par image au théâtre. Il interroge les rapports entre texte, son, image dans la mise en scène, les relations étroites que l'image scénique entretient avec les arts plastiques et avec le cinéma qui s'est développé en même temps que la mise en scène et a modifié le regard du public, chargé sa mémoire.L'image scénique est découpée, élaborée par le traitement de l'espace - dématérialisation, verticalisation, rendu -, le jeu de l'acteur - composition plastique avec les éléments du dispositif. L'utilisation toujours plus performante de la lumière remplace la couleur, la rend mouvante, cadre et recadre le jeu. Elle va de pair avec un traitement du son, lui aussi de plus en plus sophistiqué. L'image scénique s'approprie les images projetées ou diffusées que le plateau n'a pas hésité à utiliser dès le début du siècle, images fixes ou mobiles dont la vidéo rend l'usage plus souple et inventif.Mis en crise mais souvent magnifié par l'image et la mise en scène, le texte peut être soumis à un nouveau traitement : les technologies, qui n'en sont qu'à leur début, permettent au metteur en scène de l'écrire sur le plateau et au public de le lire de multiples façons, tout en le regardant comme une image - typographie, surfaces de projection, couleurs. Le rapport aux technologies peut être direct ou oblique, et la scène les détourne souvent au service du théâtre.L'image scénique selon Craig devait " dépasser la parole ", dévoiler, dans une suite de visions, la pensée. Là était la force de l'image du théâtre. Dans le monde d'aujourd'hui où dominent le " visuel " et la simulation, les images scéniques se sont transformées, elles interrogent notre capacité à voir, à travers une esthétique de la saturation où tous les stades de l'histoire du regard sont convoqués.Ou bien elles construisent une dramaturgie de la vision pauvre, raréfiée, pour contraindre le spectateur à ré-imaginer le monde...
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