Résumé :
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Georges Jeanclos est un sculpteur, juif français, d'un "judaïsme après Dieu", comme le revendiquait Edmond Jabès, c'est-à-dire d'un judaïsme d'après la Shoah.Ses figures, en terre cuite, proches de la poussière d'où surgit Adam - l'humanité de l'homme - sont des dormeurs soustraits au monde hostile, repliés sur leur origine, enfermés dans des urnes qui célèbrent la mémoire du père disparu, celle aussi d'un peuple exterminé, des couples presque chastes dans leur élan, qui parfois voyagent, immobiles, dans des barques vers l'éternité. Ce sont des Kamakuras, figures "bouddhiques" venues de l'Orient, avec leur paysage, Adam et Eve avec l'arbre de vie, des patriarches de la Torah (Noé, Moïse), un grand commentateur du Talmud, Rachi - mémoire encore et hommage au judaïsme.Ce sont aussi un héros de la résistance (Jean Moulin), des victimes de la barbarie nazie (le puits de Guerry) ou d'autres massacres (Guatemala city, Sabra et Chatila), qui témoignent de la révolte et de l'engagement de l'artiste. Ce sont enfin des figures de la compassion : pietàs, porteurs, comme saint Julien l'hospitalier. A une échelle plus monumentale, Jeanclos a refait le tympan du portail de Saint-Ayoul, à Provins, et le portail de la cathédrale de Notre-Dame-de-la-Treille de Lille, redonnant la voix à la sculpture gothique des cathédrales.Il a revisité l'iconographie chrétienne : annonciation, visitation, dormition. Mais Jeanclos est surtout le sculpteur qui a estampé la lettre hébraïque sur toutes ses pièces en terre, qui l'a vouée à une transcendance matérielle. Transgressant l'interdit judaïque de la représentation, elle nous montre le visage de l'homme dans sa fragilité de terre. Entendre son appel, accueillir son épiphanie est sans doute voir autrement.
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